historique du féminisme

La première vague de féminisme débute au dix-neuvième siècle durant la révolution industrielle avec un souhait de liberté pour les femmes. Bien qu'il y ait eu des précurseures - principalement des femmes de lettres – antérieurement à cette période, les objectifs d'un mouvement qui se voulait émancipateur pour les femmes se fixent à l'aube du vingtième siècle. En 1903 naît le "Women's Social and Political Union" en Grande-Bretagne. Il est mené par des militantes appelées Suffragettes. Cette première lutte vise à obtenir le droit de votes pour les femmes. Quelques années auparavant, des femmes américaines revendiquaient les mêmes droits. Sur les deux continents, les Suffragettes sont porteuses d'idées des femmes blanches, de classe moyenne ou bourgeoise. Les buts sont de d'obtenir les mêmes droits que leur père, leurs frères et leurs fils.

C'est aux États-Unis que les questions raciales prennent place dans cette lutte du droit de vote pour les femmes, car les personnes de couleur sont tous simplement moins nombreuses en Angleterre et le futur politique du pays est moins crucial que celui des États-Unis à cette période. Elizabeth Cady Stanton et Susan B. Anthony, toutes deux féministes américaines, écrivent à plusieurs reprises que les lois en vigueur tiennent les femmes blanches au "même rang que les idiots, les fous et les nègres"ou encore qu'elles ne "demanderont jamais le ballot pour les nègres avant les femmes". Ces positions indéniablement racistes démontre que l'émancipation des Noir.e.s était vue comme un élément non-profitable aux femmes blanches de ce mouvement, que les anciens esclaves pourraient obtenir le droit de suffrages avant elles. Seuls les hommes noirs étaient visés, laissant les femmes noires invisibles et effacées de toute discussion.
La National Association of Colored Women Clubs (NACWC) naît en 1896 à Washington D.C. Cette association de femmes noires aspire à l'égalité raciale et le suffrage universel. Il faut attendre 1965 pour que les Noir.e.s américain.e.s puissent exercer ce droit démocratique, jusque-là rendu très difficile pour eux avec des tests d'alphabétisation et des impôts à payer mis en place dans bon nombre d'états. La date théorique de l'extension du droit de vote aux femmes est le 18 août 1920.
La deuxième vague féministe prend ses racines dans les années soixante, dans un contexte d'après-guerre et d'abondance économique. Similairement à la première vague, les revendications étaient portées par des femmes blanches issues de classes aisées ayant eu accès à l'éducation. Cette lutte visait à ce qu'elles aient un choix de carrière, que ces femmes aient la possibilité d'exister hors du cadre ménager, c'est à dire du mari, des enfants et de la maison. Les femmes noires ne se retrouvant pas dans ce féminisme, ni dans les luttes anti-racistes - où leur condition de femme n'est pas reconnue - se créent le black feminism. Avec des figures telles que Angela Davis, elles construisent sur des fondations de nombreuses femmes avant elles. L'essence même du black feminism est l'intersectionnalité (terme et concept qui n'est pas encore théorisé en sociologie à ce moment). Être femme et être noire est quelque chose qui est indissociable.
À la différence des États-Unis, où le black feminism a été institutionnalisé, principalement par les universitaires dans les années quatre-vingt, en Europe les traces matérielles sont rares. L'afroféminisme n'est donc pas nouveau. Le travail de nos aînées a souvent été mal documenté. Cet argument est souvent utilisé à notre encontre par les institutions, prétextant un combat encore récent.
L'afroféminisme ou féminisme noir, est la traduction du black feminism. Pour Amandine Gay, qui favorise le terme "afrodescendantes", plutôt que "femme noire", il est intéressant de penser l'afroféminisme au-delà de la question noire, pas uniquement issues des diasporas subsahariennes, mais également avec les femmes des diasporas nord-africaines, avec qui nous partageont une histoire commune. La dimension de cette dernière qui était discutée dans les années soixante est souvent oubliée ; on observe de nos jours une scission, notamment dans les discussions anti-racistes, des questions noires et arabes. Les problématiques auxquelles sont liées ces deux questions peuvent en effet être très différentes, mais avoir un afroféminisme inscrivant toutes ces femmes permet un poids politique plus important.



approche

Mon approche s'est voulue afroféministe dès le départ. Le corps racisé est un élément politisé constamment et se le réapproprier et entrer en lutte est tout autant politique. Le cheveu est une extension du corps, il est donc une extension politique, un outil de revendication. Le symbole fort du cheveu afro existant dans l'espace public se retrouve principalement dans les grandes coupes afro arborées fièrement durant le mouvement afro-américain des droits civiques. Mais qu'il soit lâché, en afro, tressé, défrisé... le cheveu est sous toutes ses formes un élément politique des afrodescendantes, un élément d'expression émancipateur.



non-mixité

La non-mixité a toujours été nécessaire dans toute lutte émancipatrice. L'un de ses points principaux est d'éviter la remise en question des vécus des personnes concernées. Beaucoup d'évènements afroféministes se déroulent en non-mixité (également dans d'autres groupes : queers, non-valides, intersection de plusieurs minorités...) La notion de non-mixité a souvent dérangé, notamment durant ces dernières années, étant considéré comme du communautarisme. Cette non-mixité est cruciale d'autant plus qu'elle nous a été - et est toujours - imposée et qu'elle peut à présent être choisie. Dans le domaine capillaire, il n'y a à ce jour aucune mention des cheveux crépus/frisés dans les formations de coiffure. La non-mixité des salons de coiffures afro est donc inévitable tant que le curseur de l'objectivité occidentale n'est pas déplacé. La non-mixité est injustement critiquée, son importance est décrédibilisée alors qu'elle est - dans le domaine capillaire - une nécessité.



micro-agressions

Pour les Afrodescendant•e•s, il y a un rappel constant que nos corps sont différents.
Que de par nos origines on saurait inévitablement bien danser, qu'on aurait des facilités pour le sport et bien d'autres... Nos cheveux suscitent l'intrigue, qu'il soient détachés, en afro ou tressés.
Rares sont les Afrodescendant•e•s à pouvoir affirmer qu'elle s•ils n'ont jamais reçu•e•s de remarques à propos de leur chevelure ou qu'une main ne s'y soit plongée par "curiosité" et ce, bien souvent sans en avoir demandé la moindre permission. En plus de l'aspect intrusif de ce geste, il y a une dimension colonisatrice dont on ne se rend pas toujours compte : envahir l'espace et l'intimité d'une personne qui ne demande rien. Les cheveux non afro ne sont pas soumis au même traitement, ce qui nous compare à un animal domestique ou nous "exotise", à tort.

Les "micro-agressions" sont ces mots ou attitudes a priori insignifiants qui seraient le reflet d'un préjugé envers une communauté.
Concernant nos cheveux et nos coiffures, les remarques se créent à propos de la texture visiblement différente de celle de l'interlocuteur. Que les nôtres sont "secs", "abîmés", "bizarres". La texture sera comparée à une pilosité corporelle telle que des poils pubiens ou des poils d'aisselles, ou des objets comme une éponge, un plumeau.
Certaines de nos coiffures faites avec des extensions synthétiques suscitent les mêmes remarques donc il ne s'agit pas tellement du cheveu lui-même, mais plutôt de ce qui se trouve sur nos crânes. Toutes les Afrodescendant•e•s pourraient vous citer au moins une série de remarques qu'elle•ils a reçu•e•s tellement ces micro- agressions sont répandues.
Les micro-agressions peuvent être perçues comme des compliments par celui qui les énonce. Sauf que ces actions prennent place dans un système d'oppression beaucoup plus large, et que les micro-agressions sont constantes et ont un impact durable.
Dire à une personne noire qu'elle parle bien français car elle n'a pas d'accent n'est pas un compliment, c'est raciste. Dire à une femme noire/métisse qu'elle est "exotique" n'est pas un compliment, c'est raciste.
Nous ne sommes ni des plantes, ni des fruits, ni des animaux.
La sexualité des femmes noires est érigée par le regard blanc et cela découle du passé colonial. Les femmes afrodescendantes sont renvoyées à leur sexualité prétendument sauvage par des personnes blanches ou qui revendiquent avoir la "Jungle Fever" (attirance envers des personnes noires sur le seul critère de leur couleur de peau). "Panthère", "lionne", "gazelle" quand on s'adresse à nous, quand on parle de nos corps ou nos cheveux. Tous ces termes, qui font référence à la savane dont nous serions par cette logique originaires, constituent un système raciste et post-colonial.

"Lorsqu’on dit : "J’aime les Noires, elles sont chaudes, etc.", on fait référence à toute une histoire, non seulement il y a l’esclavage - une disponibilité sexuelle des femmes noires violées par le maître -, mais aussi la colonisation avec tout un imaginaire - des femmes indigènes construites comme l’allégorie de la terre chaude et lointaine à conquérir." - Amandine Gay

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